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مجلة فرنسية: هكذا ينوي "حزب الله" الاستيلاء على السلطة في لبنان ‏

تم النشر في 19 أيار 2020 | 00:00

إعتبر جان كريستوف كامباديليس نائب سابق وعضو لجنة الشؤون الخارجية الفرنسية في حديث ‏لمجلة " ‏la revue politique et parlementaire‏"، أنها لمفارقة غريبة أن تسمح فرنسا لـ"حزب الله" ‏بالاستيلاء على البنوك اللبنانية وبالتالي الاستيلاء على السلطة في بيروت، وهي التي تفاعلت ‏بسرعة خلال تقدم الجهاديين في باماكو. ‏

وقال: "لا أحد، على الأقل ليس فرنسا، يجد خطأ في حقيقة في أن يكون ثمن استقرار لبنان ‏إعادة هيكلة مصرفية. وكأن ذلك هو موضوع ما يجري في بيروت. لكن هل نحن على يقين من ‏الاستقرار المستقبلي؟". ‏

أضاف أن ""حزب الله" يستغل الأزمة السياسية الإسرائيلية التي لا تنتهي، والصراع على السلطة ‏على رأس الدولة العراقية، والتوترات بين تركيا أردوغان وقوة الأسد المتلاشية، وحتى الانفصال ‏الكردي، والتركيز الأميركي على إيران، وبالطبع، إدارة الكواكب لـ ‏Covid-19‎‏. ولكن عندما ‏سيستيقظ الجميع، سيكون الأوان قد فات. سيكون لحزب الله دولة... ولن يتخلى عن فريسته".‏

ورأى أنه "بهذه الطريقة ينوي "حزب الله" الاستيلاء على السلطة بشكل نهائي باسم الثورة من ‏دون تنظيم تظاهرة أو إطلاق طلقة واحدة".‏

ولفت الى أن "خطة إعادة الهيكلة المصرفية بسيطة كتابياً، إلاّ أن الهدف الأبعد هو مصادرة ‏البنوك. وهنا يقع الانقلاب: إنشاء "خمسة تراخيص جديدة للمصارف التجارية الجديدة" يديرها ‏المقربون من السلطة الجديدة.‏



https://www.revuepolitique.fr/le-coup-detat-bancaire-du-hezbollah-au-liban/


المقال باللغة الفرنسية


Le coup d’Etat bancaire du Hezbollah au Liban

Par quel étrange paradoxe la France, qui a réagi avec promptitude lors de l’avancée des djihadistes sur ‎Bamako, laisse le Hezbollah s’emparer des banques libanaises et donc prendre le pouvoir à Beyrouth, ‎s’étonne l’ancien député Jean-Christophe Cambadélis‏.‏

La communauté internationale a classé, à tort ou à raison, le Hezbollah dans la catégorie « mouvement ‎terroriste ». En Europe, ce fût le cas en 2013. Seul François Fillon, pendant les primaires de la droite en ‎France, avait, lors d’une visite au Hezbollah, proposé d’inclure ce parti-milice dans la coalition anti-‎Daech. Ce propos fut unanimement condamné et l’ancien Premier ministre n’a pas réitéré la formule ‎de son soutien « aux rebelles islamistes », comme la presse les caractérise‏.‏

Le Hezbollah est aujourd’hui en position de force pour s’emparer du pouvoir. Il fut le principal soutien ‎au sol d’Assad en Syrie. Pendant que l’aviation russe pilonnait Daech et que les démocrates syriens et ‎la coalition avec les soldats kurdes réduisaient les réduits intégristes en Irak, il a imposé le président ‎Aoun à la tête de l’État libanais. Il fut le principal bénéficiaire des élections législatives. Au point que le ‎Général iranien Qassem Soleimani, récemment assassiné, a cru pouvoir dire « que son pays disposait ‎dorénavant au Parlement libanais de 74 députés‏ ».‏

Le Hezbollah fut pris au dépourvu par la belle révolution du drapeau au Liban‏.‏

Dans ce pays laïque mais confessionnalisé, le drapeau libanais symbolisait une nation au-delà des ‎confessions‏.‏

Cette révolution condamnait le « système libanais » de corruption et de mainmise sur l’État. Par un clin ‎d’œil de l’histoire, ce pays, au déficit colossal de 92 milliards de dollars, soit 170 % du PIB, et avec 45 % ‎de la population sous le seuil de pauvreté, revendiquait ce que le FMI et la Conférence de Paris CEDRE ‎de 2018 exigeaient pour redresser le pays‏.‏

Cette convergence de points de vue s’exerçait autour de la restructuration des services publics : la ‎réforme de la société de l’Electricité du Liban avec un conseil d’administration et une autorité de ‎régulation, l’indépendance de la justice, le monopole d’État du commerce extérieur et des douanes. ‎Et, bien sûr, le peuple y ajoutait la dissolution du Parlement pour des élections libres de citoyens libres ‎et la lutte contre la corruption‏.‏

Dans un premier temps, le Hezbollah fut hostile à ce mouvement dont il disait percevoir l’influence ‎occidentale. On crut même voir quelques ratonnades à l’initiative de ses partisans dans le centre de ‎Beyrouth‏.‏

Puis, constant, avec le silence des chancelleries et particulièrement de la France, le mouvement ‎confessionnel radical chiite comprit que sans soutiens extérieurs ni points d’appui intérieurs, la ‎révolution voyait dans le président Aoun le seul espoir de voir bouger les choses. La démission du ‎Premier ministre Hariri lui offrait une opportunité‏.‏

Dans un premier discours, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, déclara « comprendre ‎la colère du peuple ». Il encouragea ce dernier à « dialoguer avec le président Aoun », assurant les ‎manifestants de l’oreille attentive du chef de l’État‏.‏

Le président et le secrétaire général du Hezbollah reprirent à leur compte l’idée émise par la ‎révolution « d’un gouvernement de techniciens ». Ce mot d’ordre avait l’apparence de l’exigence du ‎peuple mais permettait d’offrir un débouché pour faire rentrer la révolution dans son lit‏.‏

L’apparence « d’un gouvernement de techniciens » ne remettait pas en cause l’essence d’une ‎coalition où domine le Hezbollah. Ainsi naquit un gouvernement que les Libanais ont affublé du ‎sobriquet de « monocolore ». En effet, il s’agit principalement d’une alliance Aoun /Hezbollah/Amal ‎dont on comprendra que le Hezbollah est le pivot‏.‏

Le cabinet Diab est un gouvernement de technicien.ne.s reconnu.e.s pour leur parcours ‎professionnel.Mais sont-ils indépendants ? Ce qui fut la principale revendication de la rue. Chacun sait ‎que la constitution du Conseil des ministres fut subordonnée à un accord préalable des portefeuilles ‎respectifs‏.‏

Le Premier ministre Hassan Diab s’en cacha à peine lorsque le 21 janvier 2020, il installait son ‎gouvernement. Il déclara, en substance, à la presse : « tout le monde connaît la culture politique ‎libanaise‏ ».‏

Le Hezbollah, ayant réussi à s’installer dans la place sans un cri, était confronté à la crise financière et la ‎banqueroute de l’État. Car il ne pouvait se permettre d’être emporté par celle-ci. Les données sont ‎internationalement reconnues : l’électricité représente 65 % de la dette avec 42 milliards de dollars ; le ‎financement de 9 millions de tonnes de pétrole alors que le Liban en consomme 4 millions ; le soutien ‎par différents biais à la dette syrienne, sans oublier évidemment le flux de réfugiés migrants syriens ‎que la communauté internationale passe sous silence ; la Banque centrale libanaise sans le sou et les ‎banques privées dans le rouge‏.‏

La négociation avec le FMI devint stratégique, vitale pour le pays et la coalition « monocolore ». Les 11 ‎milliards en négociation avec le FMI sont une nécessité pour le nouveau pouvoir. Le Hezbollah fit une ‎entorse avec sa doctrine « comptons sur nos propres forces » et accepta que l’on engage les ‎négociations. Mais il n’était pas question que l’on touche à ses chasses gardées‏.‏

Le trafic sur le fuel acheté par la Banque du Liban sera ainsi toujours revendu à la Syrie. Le contrôle des ‎douanes, assurant logistique et mainmise, restera en place. L’électricité devra toujours échapper aux ‎exigences du FMI, etc‏.‏

Les tours de passe-passe de la Banque du Liban ayant atteint leur limite, la restructuration du secteur ‎bancaire offrait tout à la fois un gage pour le FMI, un argument dérivatif pour le peuple et offre la ‎perspective d’une mainmise par le Hezbollah sur ce secteur stratégique lui permettant d’asseoir ‎définitivement son pouvoir‏.‏

La hezbollahisation des banques se mit en place avec à la clé l’épargne des Libanais et comme trophée ‎quelques grosses fortunes qui n’ont pas mis assez rapidement leur argent à l’étranger. Que demande ‎le peuple‏ ?‏

Le plan de restructuration bancaire est d’une simplicité biblique. Expropriation des banques et c’est là ‎où se situe le coup d’État : La création de « cinq nouvelles licences de nouvelles banques commerciales ‎‎» administrées par des proches du nouveau pouvoir. La liste des futurs reprenants des nouvelles ‎licences provoqua la risée de la communauté libanaise‏.‏

Devant l’inquiétude provoquée par ce « coup de Beyrouth », Hassan Nasrallah sortit de son silence. ‎Dans un entretien télévisé le 4 mai 2020, il indiqua, comme s’il était dépositaire du pouvoir, que le plan ‎était amendable. Il est vrai que la hausse des impôts et le gel des embauches dans le secteur public ‎inquiétait. Et il se fit plus clair déclarant : « néanmoins le secteur bancaire a commis plusieurs erreurs » ‎faisant référence, notamment, « aux sanctions bancaires contre le parti-milice chiite ordonné par les ‎États-Unis » et conclut le propos par un « ne soyez pas plus américains que les Américains‏ ».‏

Et c’est ainsi que le Hezbollah compte prendre définitivement le pouvoir au nom de la révolution sans ‎une manifestation ou un seul coup de feu‏.‏

Il s’agit de confisquer la révolution au nom de la révolution comme Chavez au Venezuela a pris le ‎pouvoir légalement avant de nationaliser à tout va au nom de la Révolution bolivarienne‏.‏

Personne, en tout cas pas la France, ne trouve à redire car la stabilité du Liban vaut bien une ‎restructuration bancaire. Comme si c’était vraiment le sujet de ce qui se joue à Beyrouth‏.‏

Mais est-on si sûr d’une stabilité à venir ? Le Hezbollah profite de l’interminable crise politique ‎israélienne, du conflit de pouvoir à la tête de l’État irakien, des tensions entre la Turquie d’Erdogan et ‎le pouvoir convalescent d’Assad, voire la sécession kurde, la focalisation américaine sur l’Iran, et, bien ‎sûr, la gestion planétaire du Covid-19‎‏.‏

Mais lorsque tout le monde se réveillera, il sera trop tard. Le Hezbollah aura un État. Et ce n’est pas la ‎promesse de laisser Israël camper sur le Golan qui stabilisera les choses. La pression sera grande sur le ‎pouvoir au Liban. Et le Hezbollah ne lâchera pas sa proie. Est-ce que Maduro a rendu le pouvoir‏ ?‏

Le Hezbollah n’est pas le mouvement chaviste, loin de là. Il ne s’appuie pas sur la rente pétrolière. Il a ‎d’autres moyens de se faire respecter et la France en sait quelque chose. Il peut même, ayant les ‎leviers de commande au Liban, s’émanciper de son tuteur iranien‏.‏

Voilà pourquoi, il serait temps d’ouvrir les yeux, de mettre le holà au Liban et de soutenir réellement le ‎peuple libanais et sa révolution en faisant en sorte qu’elle ne soit pas confisquée et que le pays se ‎redresse réellement‏.‏

C’est l’intérêt des Libanais, de la région, de la sécurité intérieure européenne et française. Comme ‎cela l’était pour la lutte contre Daech ou le barrage au fondamentalisme au Mali‏.‏

Jean-Christophe Cambadélis

Ancien député et membre de la Commission des affaires étrangères